Poésie à la carte

Un atelier était proposé aux visiteurs de l’exposition "Voyage à Zibalbul", sur le thème de l’abnégation.

Je toucherais volontiers une aile de soie à la framboise mais je me contenterai d’enchaîner avec un fil un amoureux à la poursuite de son rêve.

Je souhaiterais déguster un sirop de mimosa, assis sur une pierre, face à la mer, sous un ciel radieux, pour me préparer à un long travail : tailler la pierre avec un pinceau.

J’aimerais caresser le pelage d’un chat roux, mais je préfère enlever gramme par gramme la mousse du plus grand fauteuil du monde.

J’aime une mousse greffée à un bloc béton, mais je préfère la vie de ver de terre en terre sèche.

J’aimerais cueillir le coton au bord du lac mais je préfère faire la lessive à la main.

J’aime le glissement de la pluie au vent mais je préfère compter une boule de cheveux avec une pince à épiler.

Je vous envoie des rêves de coton, mais je suis sûre que vous préférez faire le ménage les yeux bandés.

Pour devenir un nœud papillon, il faut faire le tour du monde à dos de fourmi et être doux comme la plante des pieds d’un bébé recouverte de chantilly.

Pour devenir un zig-zag, il faut compter et trier par teintes les grains de sable de la plage de Bray-Dunes et être doux comme une aile de perroquet.

J’aimerais déguster une crème d’ailes d’hirondelles à la sauce à la menthe, ce qui me donnerait de la force afin d’enfoncer des portes ouvertes avec un aspirateur volubile.

J’aimerais me baigner dans de la compote pommes-châtaignes mais je préfère cuisiner pour 1850 personnes avec des ustensiles en spaghetti trop cuites.

J’aimerais manger un nuage plumeux mais je préfère entendre les poules qui picorent au stéthoscope.

Je laisse ma cuillère de miel aux plus grands pour déboucher la baignoire de crotte neige.

Venez à Zibalbul essayer notre éponge spéciale frotti-frottant flottant dans l’eau visqueuse couleur brunâtre et saumâtre, ou vous essayez à enfoncer un clou avec le nez.

Pour devenir une carte il faut compter les moutons et être doux comme mon pull angora.

Pour devenir un oiseau et écouter le vent, je dois retourner la pelouse et désherber le jardin.

Pour devenir une plume et faire le ménage de la maison, il faut sentir la chaleur du soleil caresser la peau.

Pour devenir un roi, il faut être doux comme un papillon, voir comme les oiseaux, sentir la limace et boire son verre.

Pour devenir un saumon, il faut être doux comme une couette remplie de plumes.

Pour devenir un chasseur d’écureuils, il faut construire une maison en éponge et petre un papillon bleu d’amour.

Pour devenir une pelisse douce comme un doudou sorti de la machine et qui a séché au soleil, il faut grimper la côte de Bailleul sur les deux mains.

Pour devenir une chasseuse d’écureuil, il faut casser la tour Eiffel avec une brosse à dents et être doux comme un écureuil géant qui vient se blottir contre toi.

Pour devenir un archipel, il faut vider toute l’eau de la mer à la petite cuiller et être doux comme un nuage ouaté évanescent.

J’aime un président zibalbe à l’écoute de tous, mais je préfère nos politiques qui font le tour de la pauvreté en France.

J’aimerais déguster un mascarpone aérien et bleuté mais je préfèrerais cirer les chaussures des parlementaires.

J’aimerais bien sentir un tiède sirop de guimauve fondante humecter mon gosier, mais je préfèrerais sans attendre nettoyer cette casserole oubliée sur le gaz au fond de laquelle le sucre a brûlé !

J’aimerais manger une crème au beurre et noisettes mais je préfère trier les lentilles oranges et vertes.

J’aimerais manger une chantilly saupoudrée de chocolat mais je préfèrerais compter les cheveux sur la tête d’Omar Sy.

J’aimerais manger des oreilles de soie à la crème d’orange, mais je préfère enfiler des pétales de rose à la queue du Grand Papillon.

J’aimerais bien m’allonger dans des nuages de velours mais je préfère compter le nombre de poissons dans la mer.

J’aimerais bien souffler sur la brume de pissenlit mais je préfère bâtir une pyramide de galets en bord de mer.

J’aimerais bien recevoir plein de petits bisous non baveux de mon petit garçon mais je préfère trier les paires chaussettes de toute une colonie de vacances.

J’aimerais une glace chantilly avec du chocolat et un biscuit à la vanille mais je préfère trier les petits pois.

Je voudrais manger des gâteaux au chocolat mais je préfère compter tous les objets du monde.